Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill 76

#22
Sortons couverts ...

Nom de dieu de nom de dieu, les températures ont bigrement chutées depuis ces derniers temps, Noël n'étant déjà plus qu'un lointain souvenir. On a vite pris ce nouveau rythme que Dame Nature nous a imposée au fil des jours mais pour autant, ce n'est pas chose aisée que de braver le froid accompagné de son cortège de désagréments à chaque minute passée. Le rituel matinal est toujours un peu le même puisqu'il commence avec un solide petit-déjeuner composé de pain, crêpes, de beurre, de café et de lait directement venu de la ferme. Une fois rassasiés, les mioches s'adonnent à la séance de réchauffement au coin du feu le temps de chauffer les godillots, et surtout les semelles qui resteront chaudes à l'extérieur le temps que les pieds se réchauffent naturellement. S'en suit la religieuse cérémonie de l'enfilage des habits qui braveront le vent d'est, là où seul un empilage astucieux garantira le confort nécessaire. Mais à ce petit cérémonial, c'est le Pépé qui bat tout les records avec sa fabrication des semelles en foin n'ayant d'égale que la solennité de leur confection maintes et maintes fois maîtrisée.

Tout commence par le choix de la poignée de foin qui servira de matériau de base où une touffe aux feuilles fines et courtes fera parfaitement l'affaire contrairement à un mauvais ray-grass aux tiges souvent dures, bien peu dociles à un usage pédestre. Le maître s'assoit alors sur le petit banc, un des deux bancs présents dans la cheminée suffisamment grande pour y accueillir quatre fessiers en quête de chaleur bienveillante. Je le regarde faire. Pas un bruit si ce n'est le tic-tac du balancier de l'horloge qui indique bientôt huit heures. Le crissement du foin se mêle au crépitement du feu à peine rallumé, tandis que son odeur embaume le foyer. C'était aussi l'heure à laquelle le patriarche avait souvent l'habitude de glisser délicieusement que l'horloge avait "les couilles à plat" ... A savoir qu'il était temps de remonter les poids du mécanisme en prenant bien soin de ne pas déplacer les cales et de dérégler l'ingénieuse machinerie.

Il n'a aucune hésitation sur la quantité nécessaire pour se constituer une semelle adaptée à la forme de la botte, héritage séculaire pour des générations habituées à porter des sabots de bois. Les fibres doivent être alignées, une main les tenant fermement pendant que l'autre les peigne dans le sens de la longueur. C'est tout un art. Puis, vient le moment où les fibres sont cintrées pour former la semelle, comme on forme la corde d'une espadrille. La main assure le formage autour du pouce positionné à la place du futur talon. Cest une phase essentielle pour garantir le confort du pied, le foin assurera une parfaite isolation. La semelle commence à prendre forme, la partie avant va être confectionnée avec la même précision. Ca y est, la forme caractéristique est subtilement définie et l'artiste finalise son travail en veillant à ce que l'épaisseur soit bien homogène. À son air approbateur, je sais qu'il est satisfait de son œuvre éphémère. L'ultime opération consiste maintenant à brûler les quelques barbiches rebelles en approchant la semelle d'un feu crépitant . Les tiges s'enflamment rapidement et il s'active à limiter l'appétit dévorant des flammèches quelque peu engaillardies par le souffle du soufflet que j'actionne frénétiquement. Le compagnon du devoir contemple son œuvre, l'enfile aussitôt dans une de ses bottes et approuve d'un geste affirmatif de la tête. S'en suivra alors la même opération pour lui donner une sœur jumelle.

Le foyer s'était subitement transformé en une formidable ménagerie depuis l'arrivée des chats et des chiens. Les chats montent sur les bancs pour éviter les chamailleries des canidés, d'humeur très taquine de bon matin. Mais les chats n'ont pas à se plaindre car, nous les gosses, on prenait fréquemment l'habitude de les garder avec nous le soir venu et de les faire dormir sur les édredons. Nulle difficulté pour les garder à l'intérieur.

Il est fréquent aussi que l'on mette un peu de papier journal au fond des bottes en guise de semelles de fortune ou d'absorbeur d'humidité lorsque l'on avait été un peu négligent sur la remise des souliers en fin de journée. Eh oui, car un peu trop souvent pressés d'en découdre avec une journée fastidieuse, il n'était pas rare que nous négligions le remisage des bottes, des godillots et des sabots !
On avait aussi l'habitude de mettre des chaussons en laine que la grand-mère tricotait durant ses après-midi silencieux. Tantôt unis. Tantôt bariolés. Tout dépendait des pelotes disponibles et des pelotes entamées. On aimait bien ses chaussons. Il y avait un réel plaisir à les enfiler chaque matin au coin du feu après qu'ils avaient sécher la nuit durant, là posés sur les bancs de la cheminée. On en avait de pleins tiroirs d'autant plus que les chaussons étaient assortis aux pulls et aux gilets.

Les sabots de bois étaient encore de sortie. On adorait se courser au son lourd sur le carrelage ou sur le macadam de la route. L'épicier du coin, qui venait une fois la semaine avec son Citroën HY, vendait encore des paires de sabots, plus pour les anciens que pour les gosses. Les anciens avaient gardé cette habitude de porter des sabots même pour travailler mais quand il s'agissait d'aller au bourg, on sortait alors les souliers vernis pour les femmes et les Patalos pour les hommes. Il suffisait de se rendre au champ de foire le mercredi pour voir à quel point ces brodequins noirs étaient massivement adoptés au même titre que les chaussures d'été à tige basse de couleur beige crème. Les sabots aussi réclamaient une attention particulière car l'usure du temps venait parfois à bout de ces vénérables partenaires de marche. Il fallait veiller à ce que le bois ne s'imprègne pas trop d'eau car lorsque le bois venait à sécher, il avait tendance à se fendiller puis à rompre définitivement. Alors, on faisait gaffe de ne pas foutre les pieds n'importe où. Je me rappelle de Pépé qui revêtait son habit de cordonnier. L'autre jour en allant à la foire, il avait ramener un sac en papier kraft dans lequel se trouvaient un jeu de semelles et de talonnettes en caoutchouc et une poignée de clous. Une bonne paire de tenailles suffisait à enlever les clous devenus apparents et saillants, puis une coup de lime à bois pour bien affiner la surface du sabot. Parfois, Pépé avait recours à une pièce en métal pour rapiécer, et de quelques semences pour limiter les dégâts d'une fêlure prématurément survenue. Il était également indispensable, une fois le travail de cordonnerie terminé, de limer les pointes assassines dans les sabots au risque marcher à cloche-pied ... Il est vrai que les sabots n'étaient très pratiques pour conduite le Massey 145 mais qu'importe, on était fiers !

On enfilait alors nos habits pour multiplier les couches d'isolant. La laine devenait rapidement ton meilleur allié. On ressemblait à des marionnettes avec nos couleurs bariolées et nos bonnets multicolores. Impossible de passer inaperçus dans la blancheur matinale. Ca y est ! Le coup de départ est donné. Les clébards s'agitent frénétiquement car ils savent qu'en s'approchant du silo, la chasse aux souris pourra être déclarée. Et à ce petit jeu, ils n'ont pas besoin de se faire prier.

Le froid est vif ce matin. Pas un bruit à part quelques cris des oiseaux qui se précipitent vers le tas de croûte de pain que l'on vient de leur donner. On prend vite conscience de l'importance de la nourriture pour les animaux tributaires des éléments naturels. Les plus forts ont plus de chance de s'en tirer que les plus faibles à en juger l'agitation systématique due à une faim qui tiraille l'estomac. Mais au delà de la difficulté pour les hommes et les animaux, on se met vite à penser au matériel, tout particulièrement au tracteur affecté aux tâches quotidiennes motorisées. Pas le droit d'avoir une panne de carburant ou une panne de batterie ! Le tracteur est, de ce fait, hyper chouchouté, mis à l'abri, et positionné dans le sens de marché pour s'assurer qu'il puisse être tiré dans le pire des cas ...


Une fois le montage et les modifications faites, il est enfin l'heure de décaler l'épaisse couche de peinture. Je jais encore à l'ancienne alors qu'il existe des alternatives plus rassurantes et moins toxiques ! On envisagera l'achat d'un pistolet de sablage à l'avenir ou alors, on a recours à la sous-traitance auprès de gens équipés :cool:

Jabots que cette méthode a so résultat mais faut avoir un espace très aéré pour limiter l'intoxication. Bref, une fois les pièces décapées, on procède à un soigneux lavage au liquide vaisselle, armé une brosse à dents pour être sûr de bien dégraisser les surfaces à condition d'être prudent sur les éléments fragiles.

On laisse sécher un certain temps en attendant de passer la première couche d'apprêt à l'aérographe, indispensable pour ce genre d'opération pour conserver la précision des pièces.

La teinte "gris panzer" convient parfaitement à cet usage, en peinture acrylique bien évidemment. Peu importe la marque car elles sont généralement composées de la même façon : Prince August, Vallejo, Mig, ... Le choix est pléthorique.

On procède en couches très fines pour éviter les coulures et garantir un travail de qualité.

La suite plus tard.

Bill.
Fichiers joints
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Attaque chimique sous haute tension ...

Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill 7

#24
Le capot reçoit sa teinte de base en gris foncé pour lui donner toute la profondeur nécessaire, le tout à l'aéro pour gagner en finesse. On laisse sécher un long moment pour s'assurer qu'elle adhère bien sûr le metal car la suite va requérir des opérations parfois un peu après et rudes ...

On va utiliser la technique de la laque pour créer des effets d'usure et de frottement. Le principe est simple : on pulvérise la laque en couches très fines, puis on peint à nouveau et on finit par décaper avec un peu d'eau tiède et un pinceau.

À partir de ce moment-là, le compte-à-rebours est lancé et il ne faut pas surtout par traîner car la réaction chimique a une durée d'action limitée :clock:

On recrée donc une teinte claire qui représente la couche d'apprêt sur le modèle réel.

On applique rapidement la peinture à l'aéro et on laisse sécher quelques secondes.

On entame la peinture avec l'eau tiède : le pinceau redéfinit les angles et les formes caractéristiques des capots et des ailes.

Une fois le décapage de précision fini, on laisse sécher quelque temps.

On réitère l'opération pour la teinte orange que lon crée à partir de teintes rouge, jaune et orange, toutes acryliques bien évidemment...

Kenavo.

Bill.
Modifié en dernier par Bill 76 le mer. 28 févr. 2018 20:52, modifié 1 fois.
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On commence par l'apprêt de base ...
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Futur orange Renault...

Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill 76

#26
Une fois l'apprêt suffisamment sec, on applique une couche de laque à nouveau sur le capot et les ailes en couches très fines pour obtenir la teinte orange désirée. On crée à ce moment des variations de teinte, des déclinaisons claires et foncées de la couleur orange originelle. En clair : un orange de base, un orange plus clair et un orange plus foncé. C'est le minimum pour obtenir un premier travail de variations.

On se presse un peu car la réaction est à durée limitée. L'acrylique séchant très rapidement, on procède au décapage à l'eau très rapidement comme à l'étape précédente.

C'est une technique, on va dire simple dans le principe d'application, et compliquée dans la réalisation car il y a une part d'incertitude liée au timing, aux marques de peintures utilisées, à l'épaisseur des couches, à la transparence des couches, ... On a surtout intérêt à avoir le résultat en tête car sinon, c'est le désastre assuré et retour à la case départ !

On peut se permettre de décaper à condition que se soit du métal mais si les pièces peintes sont en plastique ou Evergreen, là ce n'est plus la même histoire ...

Bonne soirée.

Bill.
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Un Renault en devenir ...
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Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill 76

#27
Hello mister Bill76
2 ou 3 ch'tites questions : L' effort fait à l'étape "apprêt", est "caché" par le orange de "base" ? pourquoi tant d 'effort ? ça parait bien compliqué tout cha' !
sur la dernière photo ,tu as donc "3" teintes de orange déjà appliquées ? ( base + clair et "foncé" ) ...heu, ça parait "discret" ( du moins sur cette photo) Effet d 'optique ?

Mais sans doute suis-je trop pressé d 'assister au miracle de St Bill ? car tu le dis toi même "On a surtout intérêt à avoir le résultat en tête"
Donc à suivre ....

Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill 76

#28
Aux sombres héros de la terre ...

Gwaaa gwaaa gwaaa ... Nom de Dieu de korki du de korki du ... Gwaaa gwaaa gwaaa ... Préchauffes ! Mais merde c'est ce que je fais ! Dis-je en ralant ... C'est ce que je fais ! Gwaaa gwaaa gwaaa ...

Pas moyen de lancer le moulin du Massey ce matin. Mil hast ! Man ébet ! La nuit à été glaciale avec ce vent venu d'est. Les sacs à pomme de terre en toile de jutte, pourtant posés consciencieusement sur le capot pour isoler le frêle Perkins, n'auront pas été suffisants pour arrêter les dégâts du gel. Cela fait déjà plusieurs jours que l'on tire sur le démarreur épuisant encore un peu plus une batterie fatiguée. On est vigilants en début de campagne à ce genre de déboires mais le froid use les organismes. Alors à force de tirer dessus au démarrage, même en préchauffant, elle finit par être inefficace. Et puis quand tu sais où elle est positionnée sous la calandre d'un Massey Ferguson 145, t'as pas spécialement envie de la tricoter tous les jours ! Faut soulever la cabine Buisard pour basculer la trappe de visite avec ces deux loquets chromes sur chaque flanc du capot, l'extirper de son logement avec ces bras musclés de gamin de 14 ans sans y laisser la peau des mains, puis la descendre pour la relier au chargeur. Non, Là ce matin, t'as pas envie ...

Ce moteur Perkins 3 cylindres est cependant plutôt commode et peu enclin à des démarrages difficiles si toutes les précautions d'usage sont prises mais le bougre a déjà de nombreuses heures au compteur depuis 1968, date d'avant de ce 145. Un beau tracteur pour son époque, fiable, simple. Il est équipé d'une cabine Buisard et d'un chargeur Mailleux. La calandre est protégé par un arceau du constructeur breton d'Acigné et d'un protège-calandre artisanal boulonné au cas où il faille intervenir sur le radiateur. On ne risque pas de tomber trop en panne avec l'hydraulique car hormis les deux vérins de levage et son déclenchement par câble pour La Fourche à fumier, il est basique. La plupart des tracteurs d'ailleurs sont équipés de ce genre de chargeurs à cette époque, une "fourche" qu'on appelle ça ! Raison aussi pour laquelle le côté droit en toile de la cabine est équipé d'un soufflet d'ouverture pour y passer la main et pour basculer le levier de déclenchement du mécanisme. C'est commode ... surtout les jours de pluie et les jours de grand frais car s'il fallait travailler avec les côtes relevés, on était vite à la merci des éléments naturels.

C'est une belle cabine, cette Buisard, assortie aux couleurs des tracteurs. Elle pouvait équiper la plupart des tracteurs antérieurs à 1976. J'imagine qu'ensuite, les constructeurs ont imaginé des solutions intégrées d'usine et des cabines en "dur". L'ossature est en tubes reposant sur deux supports boulonnés au châssis du tracteur et deux montants réglables fixes sur les ailes, avec sa couleur caractéristique dorée. La toile du toit et du pare-brise sont fixés sur les tubes avec des lanières comme une ceinture. Le pare-brise est équipé d'une essuie-glace avec son gros moteur mini d'un interrupteur en Bakélite, tandis que deux fenêtres assurent la visibilité sur les flancs du capot et sur les roues. En guise de côtés, deux côtés souples. Le gauche forme une porte avec un côté fixe sur l'aile avec une imposante fermeture éclair. Le droit, quant à lui, est d'une seule pièce et condamné l'accès du chauffeur., juste la main à travers un soufflet. Les côtés sont munis de surfaces en toile épaisses, souples et vitrées pour garantir un minimum de transparence mais avec le temps, les rayures et la salissure vont vite ternir et faire place à l'opacité caractérise, et aux craquèlements par temps froid. Interdiction formelle de les rouler ou dérouler quand ça caille ! On ne pourrait passer sous silence l'ultime coquetterie, à savoir un rétroviseur rond qui habituellement se fixe sur le montant gauche. sécurité oblige. Mais sa taille minimaliste relève plus du miroir de courtoisie que d'une caméra de recul high-tech ! C'est l'unique confort du 145. Un phare arrière de forme globuleuse et au verre quadrillé est fixé sur l'aile droite. On est bien sous cet abri finalement les jours de pluie, les jours de vent, les jours de froid. Le sac en toile de jutte aussi est de sortie, tant sur le siège au confort minimal, tant sur les genoux du temps que la boîte à vitesses dégage une peu de chaleur bienveillante. Quel sentiment de joie extrême quand les gouttes viennent se fracasser contre la toile et le carreau ! Quel bonheur d'entendre le "gwzi gwzi gwzi" monotone du frénétique essuie-glace ! Quel bonheur de braver la tempête du soir comme le pêcheur protégé par la cabine de son chalutier ! Quel bonheur de rester au sec ou à l'abri du froid ! Quel bonheur de voir l'eau s'écouler jusqu'aux bavettes venant lécher les marche-pieds perforés du 145 ! Quel bonheur d'écouter la mélodie de la boîte de vitesses dans le vacarme enivrant du trajet ! Quel bonheur de te dire que tu pourrais être trempé jusqu'au slip, attrapé par une averse quelque mesquine ! Quel bonheur que de pouvoir grignoter des Choco BN de Mémé tel une musaraigne affamée ! Quel bonheur d'entendre la fermeture éclair se refermer sur le méchant blizzard ! Quel plaisir de pouvoir chanter à tue-tête ces tubes du Top 50 ! Quel plaisir de sentir l'odeur de la terre qui vient s'engouffrer dans ton frêle abri les jours de labour ! Quel plaisir de partager ces courses folles sous la pluie avec les frères et les sœurs sous ce toit de fortune ! Quel bonheur infini de pourvoir laisser son esprit vagabonder sans l'ombre d'une agression extérieur ! Tu fais corps avec ton tracteur. Tu fais corps avec les éléments ... Tu jubiles .. Tu jubiles ...

Alors vient le printemps et les premières chaleurs, des premiers rayons du soleil autorisant quelques incursions vers des journées où tu aimes à être caressé par les airs printaniers et la délicatesse d'une nature renaissante. Elle s'en bon cette campagne ! Les herbages ont attiré les insectes frénétiques, butineurs sans relâche, sautillant de pistil en pistil sans vergogne. Ca pétille, Ca pétille ! Les odeurs du renouveau se pressent aux portes d'un nez malmené après de longs mois d'hiver et de reniflades incontrôlées. Tu revis. On se garde encore un peu de confort durant ce printemps qui peut parfois prendre des petits airs d'hiver tardif où une simple averse se transforme vite en déluge dévastateur.
C'est le moment où décision, unanimement prise en conciliabule, de relever les côtés. C'est presque une cérémonie solennelle que de faire fi à l'hiver ... Oui, fi à toi infâme hiver inquisiteur ! Imposteur !
Vient alors l'heure de la séparation. C'est l'heure où elle n'a plus son immense utilité si ce n'est celle d'un abri solaire. Mais en dépit de sa soit-disante simplicité, l'enroulement des côtés prend des allures de savoir-faire ancestral, héritage des Égyptiens et de la protection des précieux papyrus. Sacrilège à celui qui fera un pli. Tout commence par décrocher ces ressorts qui maintenaient les vitrages tendus. C'est subtil car au moindre geste foireux, c'est les urgences assurées avec de la peau en moins ou un ongle satellisé ... La porte s'enroule le long du montant vertical à gauche et se fixe avec des lanières et un passant. Le côté droit réclame bien plus de dextérité car la surface étant bien plus grande, il est bien rare que le novice soit en mesure de réussir l'exercice difficile sous l'œil d'un maître de cérémonie impartial. Il convient de bien commencer l'enroulement et de serrer les couches successifs jusqu'à obtenir un cylindre bien compact. La sanction en général vient immédiatement étant la longueur ajustée des lanières de maintien ... Pour le débutant moyen, quelques essais seront nécessaires avant d'y parvenir.

Le 145 est ainsi paré pour ce printemps, le toit suffira amplement à nous protéger en cas d'averses durant le mois de mai et assurera une protection suffisante lors des déplacements lointains. Mais il faudra attendre le joli mois de juin pour s'affranchir complètement de la cabine à coups de clé de 17. Quatre vis suffisent à enlever la cabine Buisard et pour se retrouver à ciel ouvert pour la période estivale sans oublier de débrancher les cosses du fil de l'essuie-glace, précieux allié des jours tempêtueux ! Inutile de sortir le palan car deux paires de bras musclés suffiront à soulever l'indésirable intrus estival, puis à le déposer dans un lieu sûr où la poussière viendra recouvrir en couches épaisses les souvenirs passés d'un hiver interminable ...
Gwaaa gwaaa gwaaa ... Nom de Dieu de korki du de korki du ... Gwaaa gwaaa gwaaa ... Préchauffes ! Mais merde c'est ce que je fais ! Dis-je en ralant ... C'est ce que je fais ! Gwaaa gwaaa gwaaa ...

Pas moyen de lancer le moulin du Massey ce matin. Mil hast ! Man ébet ! La nuit à été glaciale avec ce vent venu d'est. Les sacs à pomme de terre en toile de jutte, pourtant posés consciencieusement sur le capot pour isoler le frêle Perkins, n'auront pas été suffisants pour arrêter les dégâts du gel. Cela fait déjà plusieurs jours que l'on tire sur le démarreur épuisant encore un peu plus une batterie fatiguée. On est vigilants en début de campagne à ce genre de déboires mais le froid use les organismes. Alors à force de tirer dessus au démarrage, même en préchauffant, elle finit par être inefficace. Et puis quand tu sais où elle est positionnée sous la calandre d'un Massey Ferguson 145, t'as pas spécialement envie de la tricoter tous les jours ! Faut soulever la cabine Buisard pour basculer la trappe de visite avec ces deux loquets chromes sur chaque flanc du capot, l'extirper de son logement avec ces bras musclés de gamin de 14 ans sans y laisser la peau des mains, puis la descendre pour la relier au chargeur. Non, Là ce matin, t'as pas envie ...

Ce moteur Perkins 3 cylindres est cependant plutôt commode et peu enclin à des démarrages difficiles si toutes les précautions d'usage sont prises mais le bougre a déjà de nombreuses heures au compteur depuis 1968, date d'avant de ce 145. Un beau tracteur pour son époque, fiable, simple. Il est équipé d'une cabine Buisard et d'un chargeur Mailleux. La calandre est protégé par un arceau du constructeur breton d'Acigné et d'un protège-calandre artisanal boulonné au cas où il faille intervenir sur le radiateur. On ne risque pas de tomber trop en panne avec l'hydraulique car hormis les deux vérins de levage et son déclenchement par câble pour La Fourche à fumier, il est basique. La plupart des tracteurs d'ailleurs sont équipés de ce genre de chargeurs à cette époque, une "fourche" qu'on appelle ça ! Raison aussi pour laquelle le côté droit en toile de la cabine est équipé d'un soufflet d'ouverture pour y passer la main et pour basculer le levier de déclenchement du mécanisme. C'est commode ... surtout les jours de pluie et les jours de grand frais car s'il fallait travailler avec les côtes relevés, on était vite à la merci des éléments naturels.

C'est une belle cabine, cette Buisard, assortie aux couleurs des tracteurs. Elle pouvait équiper la plupart des tracteurs antérieurs à 1976. Les constructeurs de cabine (Hiniker, Fritzmeyer, ...) ont fourni aux tractoristes des solutions adaptées avant que ces derniers ne se décident à produire des cabines dédiées à leurs tracteurs. L'ossature est en tubes reposant sur deux supports boulonnés au châssis du tracteur et deux montants réglables fixes sur les ailes, avec sa couleur caractéristique dorée. La toile du toit et du pare-brise sont fixés sur les tubes avec des lanières comme une ceinture. Le pare-brise est équipé d'une essuie-glace avec son gros moteur mini d'un interrupteur en Bakélite, tandis que deux fenêtres assurent la visibilité sur les flancs du capot et sur les roues. En guise de côtés, deux côtés souples. Le gauche forme une porte avec un côté fixe sur l'aile avec une imposante fermeture éclair. Le droit, quant à lui, est d'une seule pièce et condamné l'accès du chauffeur., juste la main à travers un soufflet. Les côtés sont munis de surfaces en toile épaisses, souples et vitrées pour garantir un minimum de transparence mais avec le temps, les rayures et la salissure vont vite ternir et faire place à l'opacité caractérise, et aux craquèlements par temps froid. Interdiction formelle de les rouler ou dérouler quand ça caille ! On ne pourrait passer sous silence l'ultime coquetterie, à savoir un rétroviseur rond qui habituellement se fixe sur le montant gauche. sécurité oblige. Mais sa taille minimaliste relève plus du miroir de courtoisie que d'une caméra de recul high-tech ! C'est l'unique confort du 145. Un phare arrière de forme globuleuse et au verre quadrillé est fixé sur l'aile droite. On est bien sous cet abri finalement les jours de pluie, les jours de vent, les jours de froid. Le sac en toile de jutte aussi est de sortie, tant sur le siège au confort minimal, tant sur les genoux du temps que la boîte à vitesses dégage une peu de chaleur bienveillante. Quel sentiment de joie extrême quand les gouttes viennent se fracasser contre la toile et le carreau ! Quel bonheur d'entendre le "gwzi gwzi gwzi" monotone du frénétique essuie-glace ! Quel bonheur de braver la tempête du soir comme le pêcheur protégé par la cabine de son chalutier ! Quel bonheur de rester au sec ou à l'abri du froid ! Quel bonheur de voir l'eau s'écouler jusqu'aux bavettes venant lécher les marche-pieds perforés du 145 ! Quel bonheur d'écouter la mélodie de la boîte de vitesses dans le vacarme enivrant du trajet ! Quel bonheur de te dire que tu pourrais être trempé jusqu'au slip, attrapé par une averse quelque mesquine ! Quel bonheur que de pouvoir grignoter des Choco BN de Mémé tel une musaraigne affamée ! Quel bonheur d'entendre la fermeture éclair se refermer sur le méchant blizzard ! Quel plaisir de pouvoir chanter à tue-tête ces tubes du Top 50 ! Quel plaisir de sentir l'odeur de la terre qui vient s'engouffrer dans ton frêle abri les jours de labour ! Quel plaisir de partager ces courses folles sous la pluie avec les frères et les sœurs sous ce toit de fortune ! Quel bonheur infini de pourvoir laisser son esprit vagabonder sans l'ombre d'une agression extérieur ! Tu fais corps avec ton tracteur. Tu fais corps avec les éléments ... Tu jubiles .. Tu jubiles ...

Alors vient le printemps et les premières chaleurs, des premiers rayons du soleil autorisant quelques incursions vers des journées où tu aimes à être caressé par les airs printaniers et la délicatesse d'une nature renaissante. Elle s'en bon cette campagne ! Les herbages ont attiré les insectes frénétiques, butineurs sans relâche, sautillant de pistil en pistil sans vergogne. Ca pétille, Ca pétille ! Les odeurs du renouveau se pressent aux portes d'un nez malmené après de longs mois d'hiver et de reniflades incontrôlées. Tu revis. On se garde encore un peu de confort durant ce printemps qui peut parfois prendre des petits airs d'hiver tardif où une simple averse se transforme vite en déluge dévastateur.
C'est le moment où décision, unanimement prise en conciliabule, de relever les côtés. C'est presque une cérémonie solennelle que de faire fi à l'hiver ... Oui, fi à toi infâme hiver inquisiteur ! Imposteur !
Vient alors l'heure de la séparation. C'est l'heure où elle n'a plus son immense utilité si ce n'est celle d'un abri solaire. Mais en dépit de sa soit-disante simplicité, l'enroulement des côtés prend des allures de savoir-faire ancestral, héritage des Égyptiens et de la protection des précieux papyrus. Sacrilège à celui qui fera un pli. Tout commence par décrocher ces ressorts qui maintenaient les vitrages tendus. C'est subtil car au moindre geste foireux, c'est les urgences assurées avec de la peau en moins ou un ongle satellisé ... La porte s'enroule le long du montant vertical à gauche et se fixe avec des lanières et un passant. Le côté droit réclame bien plus de dextérité car la surface étant bien plus grande, il est bien rare que le novice soit en mesure de réussir l'exercice difficile sous l'œil d'un maître de cérémonie impartial. Il convient de bien commencer l'enroulement et de serrer les couches successifs jusqu'à obtenir un cylindre bien compact. La sanction en général vient immédiatement étant la longueur ajustée des lanières de maintien ... Pour le débutant moyen, quelques essais seront nécessaires avant d'y parvenir.

Le 145 est ainsi paré pour ce printemps, le toit suffira amplement à nous protéger en cas d'averses durant le mois de mai et assurera une protection suffisante lors des déplacements lointains. Mais il faudra attendre le joli mois de juin pour s'affranchir complètement de la cabine à coups de clé de 17. Quatre vis suffisent à enlever la cabine Buisard et pour se retrouver à ciel ouvert pour la période estivale sans oublier de débrancher les cosses du fil de l'essuie-glace, précieux allié des jours tempêtueux ! Inutile de sortir le palan car deux paires de bras musclés suffiront à soulever l'indésirable intrus estival, puis à le déposer dans un lieu sûr où la poussière viendra recouvrir en couches épaisses les souvenirs passés d'un hiver interminable ...


On a décapé la peinture orange av c l'eau tiède en prenant bien soin de ne pas tout arracher au passage. On fait alors ressortir la couche de cœuleur ocre en restant réaliste dans la peinture éraillée. Le travail est vite galère si on a loupé la phase de la laque ... S'il y a trop de laque, la peinture part par plaques, s'il n'y en a pas assez, il faut sortir la disqueuse !

Une fois la peinture sèche, on procède à la pose des décalcomanies pour égayer la monotonie de la couleur dominante, et quelques marques d'hydrocarbures fera parfaitement l'affaire. On laisse sécher un long moment pour que les décalcomanies adhérent bien au support, puis on termine par une couche de vernis mat ou satiné.

Les variations de la teinte sont subtils mais une lumière blanche saurait montrer les nuances.

Kenavo.

Bill.
Fichiers joints
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La grande époque des cabines en toile Buisard !
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Nouvelle habillage de circonstance ...
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Re: "Tant qu'il y aura des Renault, on aura du boulot ! " par Bill

#30
Bonjour la compagnie,

Une autre photo pour juger du premier travail de coloration et on devine déjà bien qu'il s'agit d'un Renault ! Ben évidemment seraient vite tenté de dire certains ... Ce n'est pas toujours le cas davoir cette certitude quand cette phase de peinture de base n'est pas convainquante !

A ce stade, il est encore possible de retoucher à l'acrylique soit au pinceau, soit au pistolet si tant est que lon n'est pas appliquer la couche de vernis qui stabilisera l'ensemble de la pièce, y compris les décalcomanies. L'autre intérêt de ce vernis est d'harmoniser progressivement les couleurs entre elles et créer une ambiance propre au modèle.

Si on peut éviter de repeindre par dessus par la suite, c'est l'idéal car toute intervention à partir de maintenant marquera forcément l'aspect de la pièce ... En clair : si vous faites une retouche, de surcroît un peu / beaucoup / mal maîtrisée, cela se verra comme le nez au milieu de la figure ! ... A moins d'être pékinois auquel cas ... :kiss:

Une fois ce vernis appliqué, il convient de laisser sécher au moins une semaine pour garantir un séchage en profondeur. Cest crucial de ne pas se précipiter et du coup, Ca nous laisse le temps d'aller travailler sur une autre projet entre temps ... :cool:

Conseil : un projet "tracteur " réclame du temps et de la patience, et bien trop souvent, l'impatience vient s'en mêler avec tous ses aspects négatifs. Soit vous vous laissez envoûter et le résultat, conjugué à une mauvaise maîtrise de la démarche de peinture, assurez que le travail sera quasi nul et sans intérêt. Si par contre, vous arrivez à vous détacher du modèle quelque temps, le fait d'y revenir ultérieurement permet de voir ces erreurs, les manques, les améliorations à apporter, ... D'où la nécessité de se faire des projets parallèles moins ambitieux pour gagner en savoir-faire et en confiance :humm:

Je laisse sécher tranquillement les pièces pendant quelques temps le temps de m'occuper des nombreuses pièces qui viendront compléter le remontage du Renault.

La suite plus tard.

Bill
Fichiers joints
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Vue du côté obscur ...

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